Catherine Poncin

La petite ville de Ferney accueillit Voltaire qui y créa « L’Auberge de l’Europe » où il vécut les dernières années de sa vie, irradiant de ce lieu la pensée et l’esprit des Lumières. L’association qui gérait l’Auberge de l’Europe m’a invitée afin que je réalise des œuvres contemporaines destinées à être installées dans les salles de la demeure devenue, avec le temps, «un petit musée vétuste»… J’ai vécu le temps de ma résidence artistique dans l’enceinte même de l’Auberge de l’Europe – j’avais l’impression de vivre avec Voltaire… Je lisais chaque soir le dictionnaire philosophique et durant mes journées, je déambulais dans le parc et photographiais la demeure au travers du dédale des salles, des étages, des chambres, la sienne m’attirait particulièrement – son lit semblait si peu confortable que j’arrivais à douter de son authenticité… sa robe de chambre en satin limée était très belle, au point que, lorsque installée dans la promiscuité de la prise de vue, je la respirais. Pas d’archives photographiques du maître des lieux évidemment, mais la demeure affichait de nombreuses gravures, peintures, faïences, le représentant. Ses œuvres étaient là, dans ses murs et dans certains de ses ouvrages que j’avais emportés dans ma valise ou que je commandais à la Maison de la Presse de Ferney où, par ailleurs, j’achetais chaque jour ‘Libération’. La guerre en Afghanistan faisait alors rage, le 11 septembre 2001 dévastait New York, divers autres faits de société défilaient au quotidien...
J’ai rapproché ces faits d’actualité à différents textes du dictionnaire philosophique de Voltaire, aux grandes affaires auprès desquelles il s’était engagé… des coïncidences évidentes m’apparaissaient : ses prises de positions vis-à-vis de la justice, du clergé, de la guerre, son intérêt pour les arts, le théâtre, bien sûr, et la littérature... C’est ainsi que j’ai accolé aux images réalisées in situ des fragments de coupures de presse contemporaines. Puis j’ai ouvert toutes les fenêtres du premier étage de la demeure, leurs orientations désignaient volontairement les quatre points cardinaux depuis lesquels Voltaire voulait que la pensée des Lumières irradie l’Europe. J’ai juxtaposé ces différents éléments, proposant ainsi au spectateur une forme d’écriture, de palimpseste.
C.P.