Catherine Poncin

Photographies d’archives du journal municipal  "Bonjour Bobigny" + Archives municipales de la ville.

Bobigny est un territoire d'immigration depuis des décennies, beaucoup de réfugiés politiques y sont accueillis puis domiciliés. C'est ainsi que plus de quatre-vingts nationalités s'y côtoient et de nombreux primo-arrivants s'y installent chaque année. Ceci confère à la ville une richesse multiculturelle indéniable. Cependant, nombre d’habitants ignorent l’histoire de la ville qu'ils habitent désormais. En concertation avec mes commanditaires, mon projet s'est très spontanément orienté sur le thème des hommes et des territoires.
Outre mes recherches iconographiques auprès des archives municipales, j’ai étendu mes investigations auprès du journal municipal gratuit Bonjour Bobigny. Un agent municipal était à lui seul responsable de ce gratuit, photographe et iconographe depuis un demi-siècle. Les photographies constituaient un fonds documentant une multitude d’événements liés à la ville depuis cinquante ans : inauguration d’une piscine, du premier tramway, rénovation de la voirie ou du parc municipal, fouilles d’un site archéologique, départ des premières colonies de vacances, etc… J’ai choisi d’explorer les lieux et le parcours des hommes à partir de ce fonds hétéroclite. Par la superposition de fragments d’images formant des strates de territoires et de mémoire, j’ai réalisé dix-sept tableaux.
Les impressions des oeuvres sur bâches, accrochées dans les rues, sur les places ou les carrefours routiers, ont composé cette première exposition. Une seconde a été réalisée dans le parc municipal de la Bergère lors de la Fête de la Ville.

Texte de Dominique Baqué - Journaliste, critique d'art - 2007

Avec Du champ des hommes, territoires (2001), des polyptyques horizontaux mêlent la couleur de la partie haute et le noir et blanc, fortement grainé, dans la partie basse, avec parfois, quelques échanges.
Si l’architecture occupe l’essentiel de ces « friches d’images », de la coupure de presse à la photographie sépia d’une époque révolue, elle s’articule toujours avec ce que l’on pourrait appeler des « gens » - et non des individus - saisis dans l’anonymat de la multitude ou du regroupement de masse, mais qui introduisent la pulsion de vie, aussi quotidienne et triviale soit celle-ci : travailleurs dans la fatigue ordinaire du train de banlieue, adolescents et enfants s’ébrouant dans la piscine municipale, mais aussi ces cortèges de jeunes manifestants dont l’une à le poing levé et l’autre porte un ballon où s’inscrit désormais le célèbre « 93 » faisant écho à ces jambes de femmes en marche, ouvrières d’un autre temps en lutte contre les patrons peut-être. Qui sait ? Puisqu’à chacun est donné le droit de se construire sa propre histoire : Bobigny, terre de révoltes…
Art Press n°331 Février